Cette tribune adressée à la presse le 9 avril dernier par Pierre Cohen, Joel Lécussan et Claude Raynal rappelle opportunément à Jean-Luc Moudenc, maire actuel de Toulouse et Président de Toulouse Métropole qu’il ne s’est pas rien passé depuis 2005.

Mix’Art Myrys est un lieu culturel très à part et à part entière. Son histoire, déjà, est très originale et forte de sens. Sa vie, voire sa survie sont dues à un extraordinaire engagement d’acteurs culturels et une forte mobilisation citoyenne depuis de très nombreuses années. Dès 1995 avec une première occupation des anciens locaux des chaussures Myrys jusqu’à aujourd’hui rue Ferdinand Lassalle en passant par les locaux de la préfecture de la rue de Metz. Le projet a évolué très vite sur un projet culturel fréquenté et reconnu par le public. Cette volonté d’acteurs et sa reconnaissance est une part essentielle de son existence mais son histoire est aussi le fruit de décisions politiques qui lui donnent, même si ce n’est pas partagé par tout le monde, une existence institutionnelle.

Cela commence en 2005. Après une dizaine d’années de militantisme, d’expérimentation et d’occupation illégale et légitime, de créativité politique et culturelle les pouvoirs publics (Etat, Conseil Général et mairie de Toulouse) sont dans l’obligation de trouver une solution à ce « phénomène » rue de Metz dans des locaux de la préfecture qui ne peut ni se traiter par la force ni par le mépris.C‘ est à la fois un lieu culturel reconnu et un obstacle à un projet d’habitat résidentiel dans ses mêmes locaux plein centre-ville. Cela entraîne la première reconnaissance des pouvoirs publics.

C’est à cette occasion que le collectif signe une première convention d’objectif pluripartites avec l’ensemble de ses partenaires institutionnels, la DRAC, la Région Midi-Pyrénées, le Département de la Haute-Garonne et l’Agglomération du Grand Toulouse, affirmant une volonté de coconstruction partagée, de réciprocité nécessaire. Ce projet fera partie des trois « territoires de l’Art » qualifiés d’intérêt communautaire au sein de la cohésion sociale par la communauté d’agglomération de Toulouse avec la Grainerie et l’Usine à ce moment-là.

Depuis 2005, les espaces de création ne désemplissent pas et la fréquentation publique ne cesse d’augmenter. Mix’Art, malgré ses faibles moyens de coproduction, favorisera l’émergence de nouveaux champs d’investigation artistique. De ce foisonnement émergeront des entités et projets artistiques. Accompagné par les collectivités territoriales, le collectif travaille à faire correspondre son projets atypique aux normes légales, sans en modifier le fond, et accueille plus d’une centaine d’équipes artistiques chaque année, toutes disciplines et tous niveaux de professionnalisation ou de maturité artistique confondus.

En 2008 la Gauche gagne la ville de Toulouse et la communauté d’agglomération devient en un an une Communauté urbaine qui préfigurera dans ce mandat une métropole avec des compétences très renforcées particulièrement dans le secteur culturel. L’objectif d’une culture accessible à tous et pratiquée par tous a permis des innovations comme le parcours culturel gratuit pour tous les enfants de primaire mais aussi l’émergence de tous les arts de la rue du cirque jusqu’au Street Art en passant par la musique et l’art urbain. Notre ambition a été de conjuguer urbanisme, culture et espace public. Cela s’est concrétisé par le retour du Carnaval, de nombreuses manifestations de rue comme Toulouse en piste mais surtout par le fait que tout projet urbain soit identifié par un équipement d’ampleur. Cela a été le cas pour Borderouge avec le Métronum, aux sept deniers avec Job, à Montaudran avec la Machine, les Allées Jules Guesde avec le quai des savoirs, à Empalot la brique rouge et c’était presque le cas à la Reynerie avec la maison de l’image et à la Cartoucherie avec Mix’Art.

Notre majorité de gauche et écologiste voulait que ce quartier emblématique par son histoire mais aussi par son emplacement devienne un des premiers écoquartier. Cela a été une concertation longue et forte avec les citoyens et surtout les riverains, cela a été une ambition urbaine toujours compliquée de conjuguer densité et espace public, de prévoir des équipements qui dépassent les équipements publics nécessaires au habitants comme les écoles, crèches et lieux de rencontre. Notre choix pour l’équipement culturel malgré l’existence du Zénith à une centaine de mètres du quartier s’est porté sur Mix’Art.

Dire que ce projet a été un long fleuve tranquille serait une vue de l’esprit tant les responsables étaient légitimement intransigeants sur l’avenir du projet mais aussi sur la qualité de l’offre. Le lieu a paru pour tous être un premier élément de réponse avec les bâtiments des Halles de la cartoucherie. Cette Halle centrale et un espace public de qualité ont été une première pierre à la construction de ce projet. Plus complexe a été la négociation sur la superficie et les moyens financiers pour sa réalisation.

Contrairement à ce qui peut être dit par le maire actuel et sa majorité nous avions réussi à trouver un accord et dans le programme de la ZAC de la cartoucherie ce projet était inscrit en Autorisation de programme. En 2016 -2017 ce projet aurait vu le jour et les problèmes complexes de sécurité et de coût pour rénover le lieu existant ne se poseraient plus.

La culture est malheureusement une variable d’ajustement pour les libéraux et particulièrement à l’endroit de ces lieux d’innovations culturelles et sociales, de créativité et de démarches citoyennes. La crise sanitaire que nous vivons a plus que jamais opposé ce qui pense que la culture est essentielle et ceux qui trouvent plus « sure » une société endormie et silencieuse. A Toulouse de nombreux projets culturels sont abandonnés ou remis en cause comme le pavillon Mazar, Croix Baragnon et bien d’autres.

Réveillons-nous et faisons d’urgence vivre la culture.

Signataires :
Pierre Cohen (ancien maire de Toulouse et ancien président de Toulouse Métropole)
Joël Lécussan (ex coordinateur Mix’Art Myrys (2000/2021))
Claude Raynal (sénateur, ancien Maire de Tournefeuille et ancien président délégué de Toulouse Métropole