Mars 2021.
Dans le capitalisme hypermoderne avancé, l’offre culturelle se doit d’être clean, avec des touches d’ironie mais non-critique, divertissante mais pas idiote, de ne pas faire de vagues, d’aborder tout un tas de sujets sans vraiment les traiter, de se concentrer sur les signifiés pas sur les signifiants, d’être présentée comme essentielle mais, dans les faits, ne l’est pas. Les autres personnes et structures présentant des offres culturelles différentes à ce modèle dominant-bien-pensant sont tolérées, invisibilisées, périphérisées, pressées financièrement et parfois fermées.
Dans le capitalisme hypermoderne avancé de Toulouse Mix’art Myrys est dans le viseur de l’offre culturelle clean de la ville et ne correspond pas à l’idée d’une métropole innovante portée vers la croissance plutôt que vers l’émancipation de ses citoyens. Dommage. Pourtant les tiers-lieux ont le vent en poupe et constituent des alternatives aux structures artistiques fatiguées qui programment sans cesse les mêmes artistes institutionnels, fatigués aussi. Encore faut-il que ces tiers-lieux soient portés par un esprit entrepreneurial pour capter des soutiens. Dans le capitalisme hypermoderne avancé, de Toulouse et d’ailleurs, l’artiste se doit d’être un entrepreneur ou doit se convertir à l’immédiatisme (fini l’audience, fini la professionnalisation remplacées par une pratique personnelle, juste pour soi et quelques amis, voir Hakim Bey).
Dans le capitalisme hypermoderne avancé de Toulouse, géré par des individus qui n’ont de l’art que des notions vagues et convenues et donc de fait incapables de mettre en perpective une véritable offre culturelle diversifiée, certains lieux doivent disparaître (le pavillon Mazart du Groupe Merci et aujourd’hui Mix’art Myrys). Pourtant Mix’art Myrys répond à certains critères que je trouve indispensables aujourd’hui dans le fonctionnement d’une structure artistique : des compétences techniques et d’organisation largement égales voire supérieures à la plupart des lieux artistiques et de leurs personnels fatigués, une direction collégiale qui s’appuie sur des collectifs alors que les autres lieux sont sous le diktat unique des visions du directeur.trice tout puissant, une programmation éclectique s’adressant à différents publics, la capacité de rassembler des centaines de personnes, voire des milliers, alors que par exemple une majorité de centres d’art sont complètement déserts et n’affichent des chiffres de visiteurs que gonflés avec la venue obligatoire des scolaires.
L’esprit libertaire régnant à Mix’art Myrys peut être interprété de deux manières différentes, les uns disent : « ils ne respectent pas les règles, ce sont des punk à chiens », les autres disent « ce sont ces lieux artistiques qui désormais répondent à un vrai besoin de mixité artistique et qui rassemblent (enfin) de vraies compétences ». Exemple : dans un lieu institutionnel artistique français le responsable technique vous dit plutôt « ah ben non j’ai pas ça et puis je pars dans une heure », chez Mix’art Myrys on vous dit « t’inquiète mec on va trouver ». Pour ces dernières raisons notre groupe Hypogé (Éric Arlix, Serge Teyssot-Gay, Christian Vialard) a fait son meilleur concert à Mix’art Myrys.
Dans le capitalisme hypermoderne avancé les pratiques artistiques contemporaines sont non-essentielles. En temps de crise sanitaire ou de crise tout court (climatique, économique, voir entre autres La Stratégie du Chaos de Naomi Klein) les individus en charge de l’avancement du capitalisme hypermoderne trouvent plus facilement et plus rapidement des espaces, des procédures pour accélérer la venue du monde d’après, un monde plus clean, orienté vers l’entrepreneuriat de tout et donc débarrassé des pratiques artistiques émancipatrices et vertueuses.